Phnom Penh : la future Bangkok

Nous sommes les seuls touristes dans le mini-van qui nous emmène à Phnom Penh. Depuis Kompong Chhnang, la capitale n’est qu’à 2h de route. Le trajet, malgré les embouteillages liés à toute grosse métropole et l’inévitable pause noodle soup, passe donc vite.

Une fois descendus du van nous négocions sec avec un tuk-tuk pour rejoindre la guesthouse que nous avons réservée, plus dans le centre que là où l’on nous a lâchés. Ca fait maintenant deux mois et demi que nous sommes en Asie, nous commençons à comprendre les rouages d’une bonne négo !

Une fois la chambre récupérée et les affaires posées, nous sortons explorer la ville et trouver un endroit pour déjeuner. En écrivant cette phrase, nous réalisons à présent que quasiment tous nos récits répètent inlassablement la même introduction… !

Bref.

Etant juste à côté du Marché Central, nous allons y jeter un œil. Nous sommes bluffés par le bâtiment ! Dessiné par un architecte français dans les années 30, celui-ci a conservé son esprit d’origine au milieu d’une métropole en pleine évolution ! Tandis que les tours poussent tout autour, cette « soucoupe-volante » continue d’accueillir un fourmillement de gens venus vendre ou acheter tout et n’importe quoi. Pour nous, ce sera simplement des sortes de petits muffins encore chauds à la noix de coco !

L’intérieur du marché central. L’aération bien pensée fait qu’il y fait frais !

La gare ferroviaire n’étant pas très loin, nous en profitons ensuite pour nous y rendre et trouver des informations sur les trains qui pourraient nous emmener ensuite sur la côte. Au guichet, une jeune femme parlant anglais (ouf !) nous indique les horaires et temps de trajet. Nous découvrons ainsi qu’il n’y a qu’un train par jour et que le vendredi, samedi et dimanche… Nous verrons suivant notre programme si nous pourrons en prendre un !

En ressortant, nous découvrons en face de la gare, au pied d’une immense tour ultra-moderne, une boulangerie Eric Kayser ! (les mêmes que dans les gares françaises). Ni une ni deux nous allons voir, salivant déjà. Avant d’y entrer nous nous fixons quand même un plafond : si le jambon-fromage-beurre est à moins de 3,50$ nous craquerons, s’il est à 4 $ nous hésiterons et si c’est plus tant pis.

Résultat, il est à 4,30$. Il faudra encore attendre ! Par contre le petit-pain au fromage est lui à 0,80$ et sera parfait pour l’apéro !

Finalement nous atterrissons dans un restaurant chinois un peu camouflé derrière une bijouterie et dégustons nos premières bouchées vapeur du voyage.

Petit pain au fromaaaaaaaaage !!

En fin d’après-midi nous nous rendons sur les bords du fleuve, sur ce qui est surnommé ici « la croisette ». Nous découvrons effectivement des berges aménagées très agréables, fréquentées aussi bien par les touristes que les locaux et les expats, bordées de restaurants et cafés pour le coup très touristiques.

En fait nous n’avons même pas pris de photos de cette croisette…! Donc voici les berges !

Notre balade nous conduit ensuite à nous réengouffrer dans la ville. Les chantiers sont omniprésents et les projets de gratte-ciels se multiplient ! Nous assistons à la genèse d’une future Bangkok.

Statue du Roi sur fond de coucher de soleil.

Le lendemain est une journée culturelle !

Nous nous levons tôt pour être au Palais Royal et à la Pagode d’Argent dès l’ouverture afin d’éviter le plus possible les cars de touristes. L’entrée est un peu chère (10$) mais le site fait partie des incontournables de la ville.

La salle du trône. Sobre.

Mais bon… Ce n’est qu’une fois à l’intérieur du site que nous réalisons qu’on ne peut rentrer dans aucun des bâtiments du Palais Royal (il est juste possible de déambuler entre…) et que l’on apprend que la Pagode d’Argent est fermée aujourd’hui. Ce qui devait nous prendre la matinée est finalement plié en 50 minutes. Quelle déception ! Ils pourraient quand même l’annoncer au guichet d’entrée !

10$ chacun pour au final une visite rapide et une petite bouteille d’eau. Nous boudons !

Du coup nous décidons d’enchainer avec la visite du tristement célèbre centre S-21, ancien lycée transformé en centre « d’interrogation » (comprendre tortures soutenues) par les Khmers Rouges. Celui-ci étant à environ 4kms du Palais Royal, nous en profitons une fois de plus pour flâner dans les rues. Nous réalisons ainsi que Phnom Penh est l’un des rares endroits visités jusqu’à présent où nous pourrions nous voir vivre.

Au pied des tours la vieille ville continue de vivre.

Arrivés au centre S-21 nous optons pour l’audioguide, vivement conseillé ici. Et nous faisons bien. Celui-ci, en français, est très bien fait et nous plonge sans filtres dans cette sombre période.

Les sentiments que nous avons ressentis durant cette visite ne sont pas évidents à mettre par écrit. Imaginez un lycée paisible, dont les bâtiments en U entourent une cour arborée et fleurie. Au centre, 14 tombes blanches, anonymes, des 14 derniers prisonniers retrouvés (exécutés) lors de la libération. Sur les 20 000 personnes étant passées par là, seulement 12 survivants.

La cour du lycée.

Dans les bâtiments, les pires tortures que l’on puisse imaginer, sur des hommes, femmes et enfants. La raison ? Certains parce qu’ils avaient des lunettes ou un stylo (signe des intellectuels). D’autres parce qu’ils savaient lire. D’autres encore car ils avaient les cheveux longs. Ou juste parce que.

Les bourreaux, âgés eux-mêmes d’une vingtaine d’années, vivaient endoctrinés sous le règne de la peur. Nombre d’entre eux subiront finalement le même sort.

Aujourd’hui, l’exposition qui retrace ces terribles années, de 1975 à 1979 est incroyablement sobre et profondément troublante. On y découvre l’histoire des Khmers Rouges, leur ascension (soutenue par les USA et l’Europe…), leurs méthodes. Des milliers de photos des victimes à leur arrivée sont accrochées au mur et regardent les touristes passer.

Le silence qui règne dans ce musée est pesant. Personne ne parle. Tout le monde à la gorge nouée et les larmes aux yeux. Nous-mêmes ne pouvons nous empêcher d’en verser.

Les règles donnent une idée de l’ambiance…

La visite dure longtemps. En ressortant de là, nous ne savons que penser. Plus que de la tristesse et de l’empathie, nous ressentons de la colère. Une immense colère. A la fois contre ce qui s’est passé, mais également contre la communauté internationale, contre la France, qui ont soutenu ce régime et l’ont reconnu souverain sur le Cambodge jusqu’en 91, soit 12 ans après sa chute et la découverte des atrocités commises. Imaginez Hitler siégeant à l’ONU jusqu’en 1959 : c’est pareil.

Sortir de cette parenthèse pour retourner à notre voyage n’est pas évident. On ne peut pas occulter ainsi tout ce qu’on vient de voir.

En écrivant ces lignes, nous réalisons que ce paragraphe n’est pas gai et tranche un peu avec le ton habituellement utilisé. Mais nous pensons qu’il est important de partager, de se souvenir. De réaliser que les nazis n’étaient pas les derniers grands tortionnaires de l’humanité et que depuis ça continue. Et ça continue avec l’aval des grandes puissances. Que ce soit le Cambodge hier ou l’Afrique aujourd’hui avec les migrants transformés en esclavage et les populations locales asservies par des idées et des convictions d’un autre temps…

Bref.

Nous enchainons ensuite avec une visite du « Marché Russe », sorte de grand souk où pièces de motos détachées côtoient fruits et légumes ou t-shirts pour touristes, puis nous déjeunons dans un boui-boui local où le patron essayera, avec le sourire, de nous entuber au moment de l’addition. Le problème de tout payer en dollars, c’est que souvent ils essayent d’arrondir au supérieur (mais on a pris l’habitude de tout compter donc on ne se fait plus trop avoir !).

Nous profitons ensuite des heures les plus chaudes pour se rendre chez… Décathlon ! Et oui, un des seuls magasins d’Asie est à Phnom Penh ! Celui-ci étant dans un immense centre commercial en dehors de la ville, nous prenons un bus climatisé pour nous y rendre.

“Il en faut peu pour être heureux…”

En voyage on se rend compte que certaines choses vraiment banales prennent une toute autre dimension et peuvent procurer des petits plaisirs. Notre visite chez Décathlon en est un bel exemple ! Pendant quelques instants nous nous retrouvons à la maison… la douce odeur du neuf, les produits Quechua… bref nous nous y sentons bien ! Nous en profitons pour racheter deux trois bricoles et rentrons à la guesthouse.

Nous espérions pouvoir louer un scooter pour deux jours et aller visiter le Phnom Chisor et Takéo, au sud de la ville, mais finalement cette expédition semble un peu compliquée. Beaucoup de route et peu d’informations… Pareil pour les trains. Les horaires ne sont pas pratiques et ne coïncident pas avec notre programme.

Encore une fois le piéton n’a pas vraiment sa place.

Le soir nous retrouvons Simon et Lucie sur la croisette pour boire un petit apéro et ensuite diner. Nous nous retrouvons ainsi, complètement par hasard, dans un restaurant (qui ne payait pas de mine) spécialisé dans les grenouilles ! Heureusement il y a également des plats végétariens.

Rentrés à la guesthouse nous épluchons de nouveau internet afin de trouver des renseignements sur le visa Vietnamien. Nous souhaitons prendre celui de 3 mois (celui d’un mois étant trop court pour visiter convenablement du sud au nord) mais les infos sont difficiles à trouver…

Finalement nous apprenons qu’il n’est pas possible d’en faire la demande en ligne et qu’il est nécessaire de se rendre à l’ambassade ou au consulat… Comme a priori la démarche est plus rapide au consulat à Sihanoukville (1 jour de délai), nous décidons de mettre le cap sur cette ville dès le lendemain. Nous en avons entendu que du mal mais bon, pour une journée ça ne doit pas être l’horreur non plus !

Ayant dû changer de chambre ce matin (problèmes de disponibilité), nous nous endormons tant bien que mal dans la nouvelle, assez bruyante.

Le lendemain matin, après une belle prise de bec avec le patron de la guesthouse (un turc parlant très bien français) sur le nombre de nuits à payer et le prix des chambres, nous nous rendons au point de rendez-vous pour prendre le bus pour Sihanoukville. Le temps d’attendre, Antoine fonce acheter un paquet de chips et un paquet d’oréos pour le voyage, puis nous embarquons.

Bientôt la mer !

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